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Hygiène

Rencontre : Laura Lavaux, infirmière hygiéniste à l'hôpital Clairval de Marseille


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mardi 11 Avril 2023 à 14:28 | Lu 1454 fois


À l’hôpital privé Clairval de Marseille, Laura Lavaux est en poste depuis un peu plus d’un an au sein de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène (EOH). Elle y met à profit ses treize années d’ancienneté dans l’établissement pour sensibiliser au mieux les professionnels de santé à la prévention et la lutte contre les infections associées au soin. Rencontre.



Pourriez-vous nous présenter l’EOH de l’hôpital privé Clairval ?

Laura Lavaux : Composée de la présidente du Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN), du directeur de l’établissement, de la directrice des soins et de moi-même, notre équipe intervient dans tous les services de l’hôpital, qui totalise 415 lits et places – dont 15 lits d’hôpital de jour, 30 lits de réadaptation fonctionnelle cardiaque, 42 places en ambulatoire et 22 places en chimiothérapie. Opéré par le groupe d’hospitalisation privée Ramsay Santé, Clairval est ainsi organisé en plusieurs pôles, principalement en médecine et chirurgie : neurochirurgie, cardiochirurgie, chirurgie orthopédique, urologie, réanimation, soins intensifs…

Quelles sont vos missions auprès de ces différents services ?  

Je forme, je sensibilise et j'informe au quotidien leur personnel sur l'ensemble des infections associées aux soins. Ayant intégré l’EOH il y a seulement un an, j’attache une importance toute particulière à la rencontre des différentes équipes, pour identifier les difficultés rencontrées au quotidien et pouvoir, par la suite, organiser des réunions ou des formations sur ces thématiques. À l’heure actuelle, je réalise principalement des formations de type « flash info » : d’une durée de 20 à 60 minutes, elles permettent de se concentrer sur un point précis et donc d’avoir des échanges pertinents avec les équipes.

Comment sélectionnez-vous les sujets abordés ?

Je réalise et mets en place très régulièrement des audits, basés sur les outils d’Évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP). Après analyse et restitution des résultats à l’ensemble du personnel, ces actions permettent de déceler les points de vigilance, et donc de mettre en place des stratégies correctives. Mais qui dit audits, dit aussi procédures. Revues tous les cinq ans environ, en lien avec le CLIN, celles-ci sont des éléments tout aussi importants dans l’approche qu’ont les équipes de la prévention et de la lutte contre les infections associées aux soins. C’est pourquoi il me semble évident de consulter les professionnels en amont de toute révision. Je mets d’ailleurs un point d’honneur à partir du terrain, pour proposer des procédures adaptées aux pratiques quotidiennes et donc plus facilement adoptables par les soignants.

Quelles sont les autres missions de l’EOH ?

L’EOH et le CLIN sont notamment chargés de veiller au prélèvement de l’environnement au sein de l’établissement. Le CLIN est ainsi informé de tous les travaux effectués, afin de s’assurer que les conditions d'hygiène y soient bien respectées. Selon le type de travaux, cela peut se traduire par la réalisation de prélèvements effectués par une entreprise spécialisée. En tant qu'infirmière hygiéniste, je m’occupe d’établir le planning de ces prélèvements. Il y a peu, l’hôpital privé Clairval a, par exemple, fait surélever les faux plafonds du service de réanimation. Avant de rouvrir les box, il a donc fallu réaliser des analyses, et plus particulièrement des prélèvements d’air au niveau du système de ventilation, pour vérifier qu'aucun élément pathogène ne s’y soit propagé. Cela étant dit, des prélèvements environnementaux sont régulièrement organisés dans les différents services de l’établissement, dont le bloc opératoire, y compris hors travaux. Là encore, je suis responsable de leur planification et, le cas échéant, de la mise en œuvre d’actions correctives.

Revenons-en à vos interventions auprès des équipes soignantes. Quelles sont les thématiques les plus souvent abordées ?

Étant donné que notre établissement se soumet, l’année prochaine, à l’audit de certification par la Haute Autorité de Santé, j’ai actuellement tendance à privilégier les items concernés par cette procédure, et notamment les précautions standards – hygiène des mains, gestion des excrétas, gestion de l’environnement direct du patient… Mais je n’en oublie pas pour autant les précautions complémentaires d'hygiène, par la gestion de chariot d’isolement selon l’agent pathogène. D'autres thématiques peuvent en outre être abordées pour répondre à des demandes spécifiques des équipes médicales : maîtrise de l’antibiorésistance par le biais d’audit sur l’antibioprophylaxie, l’antibiothérapie curative et la gestion des consommations annuelles d’antibiotiques dans l’établissement. Je travaille ici en lien étroit avec le Dr Christine Vescovali, anesthésiste-réanimateur et présidente du CLIN, pour mener des actions de prévention auprès des professionnels de santé.

Vous évoquiez la crise sanitaire. Quels ont été ici les travaux menés par l’EOH ?

Durant les premières vagues épidémiques, je n’étais pas encore en poste en tant qu’infirmière hygiéniste, et exerçais comme IDE dans les services de soins. J’ai donc un regard de soignant sur cette période, qui m’avait néanmoins permis d’assister à l’accompagnement spécifique alors mis en place par l’EOH. Les hygiénistes avaient notamment élaboré de nouvelles procédures, qu’ils étaient ensuite venus expliquer aux équipes médico-soignantes. Ces protocoles ont depuis évolué, mais restent appliqués pour la gestion des patients porteurs d’un micro-organisme à risque infectieux. La mise à l'isolement décidée à la suite d’une prescription médicale doit d’ailleurs être remontée à l’EOH, pour définir la procédure la plus adaptée et mettre en place les organisations adéquates. Mon rôle est ici d’accompagner les équipes pour justement prévenir les contaminations croisées et échanger, le cas échant, avec les familles des patients mis à l’isolement.

Après plus d’une décennie à exercer dans des services de soins, pourquoi avoir choisi de vous spécialiser en hygiène hospitalière ?

Arrivée à l’hôpital privé Clairval en janvier 2010, j’ai eu l’occasion de découvrir de nombreuses spécialités, comme la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque ou encore la cardio-endocrinologie. Si ces secteurs m’ont toujours intéressée, la crise sanitaire, mais aussi le contexte actuel, m’ont donné l’envie d’évoluer dans ma carrière. Le poste d’infirmière hygiéniste était alors disponible. La spécialité m’intéressait et, après un essai de six mois, force était de constater qu’elle me plaisait. Je souhaite d’ailleurs obtenir le Diplôme Universitaire d’infirmier en hygiène, mais la crise sanitaire a retardé ce projet. Je bénéficie néanmoins de l’appui formidable du Dr Vescovali, qui a déjà commencé à me former en vue d’une spécialisation plus complète dans les mois à venir.

Cette expérience a-t-elle modifié votre regard sur l’hygiène hospitalière ?

Effectivement, bien que la spécialité ait bénéficié d’un réel coup de projecteur avec la crise sanitaire, les hygiénistes ont longtemps souffert d’une image un peu particulière, celle de professionnels peu présents sur le terrain, si ce n’est pour évaluer et imposer des pratiques. Cette image, nous sommes nombreux à tenter de la casser au quotidien. En ce qui me concerne, j’essaie notamment de développer des approches basées sur la réalité du terrain, avec par exemple davantage d’audits. Cela demande certes plus de temps, mais il est à mon sens nécessaire d'être plus présent auprès des équipes médico-soignantes, pour souligner à la fois l'importance des bonnes pratiques d'hygiène et l'implication des hygiénistes eux-mêmes. Dans cette même optique, j’essaie de tenir compte, le plus possible, des constats, remarques et suggestions des soignants, pour qu’ils se sentent véritablement entendus et puissent ainsi s’approprier plus facilement les recommandations. Car, ne l’oublions pas, si les professionnels ne sont pas ouverts à une nouvelle procédure, ils modifieront difficilement leurs pratiques.

Quels autres écueils avez-vous pu identifier dans les relations entre hygiénistes et soignants ?

Les hygiénistes ne sont pas là pour « embêter » les soignants, mais bien à titre de conseil, pour éviter les contaminations et propagations de germes, et contribuer ainsi à la qualité et la sécurité des soins. C’est pourquoi, quelles que soient les remarques que j’ai à formuler, je tente d’amener les choses doucement, de les inscrire dans un contexte. Parmi les autres difficultés rencontrées, il y a aussi le fait que mes recommandations ne sont pas toujours mises en application. Il est toutefois normal que de nouvelles pratiques mettent parfois du temps à être adoptées, et tous les hygiénistes sont souvent amenés à se répéter, encore et encore. Cet état de fait peut être frustrant, voire décourageant. Pourtant, je reste positive ! Globalement, je bénéficie d’une bonne écoute de la part des équipes et des cadres. Je tiens d’ailleurs à le souligner, car l’appui des encadrants est très important pour faire passer les bons messages. Je l’ai encore constaté récemment sur le port des bijoux et des bagues, qui a largement diminué depuis quelques mois.  

Au-delà des services de soins, travaillez-vous avec d’autres secteurs et organisations, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’hôpital ?

Selon les thématiques abordées, l’EOH collabore naturellement avec plusieurs services internes, le service technique, le service biomédical, la responsable du bionettoyage, la pharmacie… C’est une autre dimension intéressante de ce poste, que l’on peut qualifier de trait d’union entre les différents secteurs de l’hôpital. À l’extérieur de Clairval, j’entretiens également des relations fortes avec le Centre d'appui et de Prévention des Infections Associées aux Soins (CPias) de la région PACA : je participe régulièrement à ses formations et le sollicite en cas de problème, tout en suivant aussi de près les différentes missions nationales du RéPias. En ce qui concerne les coopérations locales, et même si cela n’est pas encore le cas, j’aimerais à terme me rapprocher des cliniques Ramsay Santé Monticelli-Vélodrome et Provence-Bourbonne, pour développer des liens et créer un « interCLIN » avec leurs EOH. En vue de progresser, ensemble, vers une prise en charge optimale des patients. 

Article publié dans l'édition de février 2023 d'Hospitalia à lire ici.
 






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